Si vous êtes parent d'un enfant diagnostiqué avec un Trouble du Déficit de l'Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) ou si vous êtes vous-même concerné, cette question vous a probablement traversé l'esprit : le TDAH est-il héréditaire ?
Oui, le Trouble du Déficit de l'Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) a une composante héréditaire très importante. La recherche scientifique le démontre clairement.
Dans cet article, nous explorerons les preuves scientifiques de cette hérédité, le rôle complexe de la génétique, l'importance des facteurs environnementaux, et les implications pratiques pour les familles concernées par le TDAH.
L'Hérédité du TDAH en Chiffres : Que Dit la Science ?
L'héritabilité d'un trait représente la proportion de la variation de ce trait dans une population qui peut être attribuée à des facteurs génétiques. Pour le TDAH, cette héritabilité est particulièrement élevée.
- Les études d'héritabilité :
Les recherches scientifiques estiment l'héritabilité du TDAH entre 70% et 80%, ce qui en fait l'un des troubles neuropsychiatriques les plus fortement influencés par la génétique[^1]. Ces chiffres proviennent de nombreuses études à grande échelle et méta-analyses publiées dans des revues scientifiques prestigieuses.
- Les études de jumeaux :
Les études comparant des jumeaux monozygotes (identiques) et dizygotes (faux jumeaux) constituent l'une des preuves les plus solides de l'hérédité du TDAH[^2] :
- Les jumeaux monozygotes, qui partagent 100% de leur ADN, présentent un taux de concordance pour le TDAH de 70-80%
- Les jumeaux dizygotes, qui partagent environ 50% de leur ADN, présentent un taux de concordance nettement plus faible, autour de 30-40%
Cette différence significative démontre clairement l'importance des facteurs génétiques.
- Les études familiales :
Les recherches sur les familles confirment également la forte composante héréditaire du TDAH[^3] :
- Un enfant dont l'un des parents souffre de TDAH a entre 2 et 8 fois plus de risques de développer ce trouble- Le risque augmente encore davantage lorsque plusieurs membres de la famille sont concernés
Environ 25% des parents d'enfants ayant un TDAH présentent eux-mêmes des symptômes significatifs
- Les études d'adoption :
Les études sur les enfants adoptés apportent une confirmation supplémentaire[^4] :
- Les enfants biologiques de parents ayant un TDAH présentent un risque accru, même s'ils sont élevés par des parents adoptifs sans TDAH- Inversement, les enfants adoptés ne présentent pas de risque accru si leurs parents adoptifs ont un TDAH, mais que leurs parents biologiques n'en ont pas
Comment la Génétique Influence-t-elle le TDAH ?
Contrairement à certaines idées reçues, il n'existe pas un seul "gène du TDAH". La réalité est bien plus complexe.
Une prédisposition polygénique
Le TDAH est ce qu'on appelle un trouble polygénique : plusieurs gènes y contribuent, chacun ayant individuellement un effet relativement faible. C'est leur combinaison qui crée une prédisposition au trouble[^5].
Les recherches ont identifié de nombreux gènes candidats, principalement liés aux systèmes de neurotransmetteurs cérébraux, notamment :
- Gènes impliqués dans la régulation de la dopamine (comme DAT1, DRD4, DRD5)[^6]
- Gènes liés au système de la noradrénaline (comme ADRA2A)[^7]
- Gènes intervenant dans d'autres mécanismes neurologiques
"Le TDAH n'est pas causé par un seul gène défectueux, mais par une constellation de variations génétiques qui, ensemble, augmentent la vulnérabilité à développer ce trouble." - Dr. Stephen Faraone, expert mondial du TDAH[^8]
- Impact sur le fonctionnement cérébral :
Ces variations génétiques influencent le développement et le fonctionnement de certaines régions cérébrales, particulièrement[^9] :
- Le cortex préfrontal (impliqué dans les fonctions exécutives)
- Les ganglions de la base (régulation des impulsions)
- Les circuits de récompense (motivation et attention)
Système affecté | Fonction normale | Impact potentiel du TDAH |
---|---|---|
Dopaminergique | Motivation, attention, récompense | Difficultés à maintenir l'attention, recherche de stimulation |
Noradrénergique | Vigilance, éveil, inhibition | Hyperactivité, impulsivité |
Cortex préfrontal | Planification, organisation | Difficultés d'organisation, gestion du temps |
L'Hérédité Explique Beaucoup, Mais Pas Tout : Les Autres Facteurs :
Si la génétique joue un rôle majeur dans le TDAH, elle n'explique pas tout. Le TDAH est un trouble complexe résultant d'interactions entre gènes et environnement[^10].
- L'interaction gène-environnement :
Les facteurs environnementaux peuvent soit activer, soit atténuer l'expression des prédispositions génétiques au TDAH. C'est ce qu'on appelle l'épigénétique : l'environnement peut modifier l'expression des gènes sans changer leur séquence[^11].
- Facteurs environnementaux avérés ou fortement suspectés :
Les recherches scientifiques ont identifié plusieurs facteurs environnementaux pouvant influencer le développement du TDAH[^12] :
- Facteurs prénataux :
- Exposition au tabac pendant la grossesse
- Consommation d'alcool pendant la grossesse
- Exposition à certains polluants environnementaux
- Prématurité
- Très faible poids à la naissance
- Complications lors de l'accouchement
- Exposition à certaines toxines comme le plomb
- Traumatismes crâniens graves
Ce qui ne cause PAS le TDAH :
Il est important de dissiper certains mythes persistants. Les recherches scientifiques rigoureuses n'ont PAS établi de lien causal entre le TDAH et[^13] :
- Un "mauvais" style parental
- Une consommation excessive d'écrans ou de jeux vidéo
- L'alimentation (même si certains aliments peuvent exacerber les symptômes)
- Un "manque de discipline"
Ces facteurs peuvent parfois aggraver les symptômes, mais ne sont pas considérés comme des causes du trouble.
Concrètement, Qu'est-ce que Cela Signifie Pour Vous et Votre Famille ?
Lorsqu'un parent est atteint de TDAH, le risque pour son enfant est significativement plus élevé que dans la population générale[^14] :
- Le risque est environ 2 à 8 fois plus élevé que chez les enfants de parents sans TDAH
- Cependant, ce n'est pas une fatalité : tous les enfants de parents ayant un TDAH ne développeront pas nécessairement ce trouble
- Si les deux parents sont affectés, le risque augmente davantage
Si un membre de la famille est diagnostiqué avec un TDAH, il peut être judicieux d'envisager une évaluation pour les autres membres[^15] :
- Pour les parents d'un enfant diagnostiqué : une évaluation peut aider à mieux comprendre leurs propres difficultés et à améliorer leur qualité de vie
- Pour la fratrie : une vigilance accrue peut permettre un diagnostic précoce si nécessaire, ce qui améliore considérablement le pronostic
La composante génétique du TDAH ne doit pas être vue comme une sentence[^16] :
- Un diagnostic précoce permet une prise en charge adaptée
- Les interventions thérapeutiques (médicamenteuses et non-médicamenteuses) sont efficaces
- Les adaptations environnementales peuvent considérablement améliorer la qualité de vie
Le caractère héréditaire du TDAH signifie que ce trouble n'est pas causé par de mauvaises pratiques parentales. Si votre enfant a un TDAH, ce n'est pas "de votre faute", même si vous lui avez peut-être transmis certains gènes[^17].
Foire Aux Questions (FAQ) sur l'Hérédité du TDAH
Il n'existe pas de pourcentage exact applicable à toutes les situations. Le risque dépend de nombreux facteurs : l'historique familial complet, la sévérité du TDAH chez le parent, la présence d'autres facteurs de risque environnementaux, etc. Les études suggèrent un risque 2 à 8 fois plus élevé chez les enfants de parents atteints de TDAH[^18].
Oui, absolument. Bien que l'hérédité joue un rôle majeur, le TDAH peut également apparaître dans des familles sans antécédent connu, en raison de[^19] :
- Mutations génétiques spontanées (dites "de novo")
- Facteurs environnementaux significatifs
- Antécédents familiaux non diagnostiqués (le TDAH étant historiquement sous-diagnostiqué, surtout chez les femmes)
Le TDAH peut parfois sembler "sauter" une génération, mais c'est généralement dû à[^20] :
- Un parent ayant des symptômes subcliniques (présents mais insuffisants pour un diagnostic)
- Un parent non diagnostiqué (particulièrement fréquent chez les générations antérieures)
- La complexité de l'hérédité polygénique, où la combinaison précise de gènes varie entre les générations
Actuellement, les tests génétiques ne sont pas recommandés en routine clinique pour le diagnostic du TDAH[^21]. Le diagnostic repose sur une évaluation clinique complète des symptômes et du fonctionnement. Les tests génétiques actuels ne peuvent pas prédire avec fiabilité la présence ou l'absence de TDAH.
Oui, le TDAH partage des bases génétiques avec plusieurs autres troubles neurodéveloppementaux et psychiatriques[^22] :
- Troubles des apprentissages (dyslexie, dyscalculie)
- Troubles anxieux
- Dépression
- Troubles du spectre autistique
- Trouble oppositionnel avec provocation
Cette co-héritabilité explique en partie les fréquentes comorbidités observées avec le TDAH.
On ne peut pas changer la prédisposition génétique, mais on peut agir sur certains facteurs[^23] :
- Éviter les facteurs de risque environnementaux pendant la grossesse (tabac, alcool)
- Assurer un suivi médical optimal pendant la grossesse et à la naissance
- En cas d'antécédents familiaux, être vigilant aux premiers signes pour permettre une prise en charge précoce
Conclusion :
Le TDAH est indéniablement un trouble avec une forte composante héréditaire, estimée entre 70% et 80%. Cette hérédité s'explique par une combinaison complexe de variations génétiques affectant principalement les systèmes de neurotransmetteurs cérébraux comme la dopamine et la noradrénaline.
Cependant, l'hérédité n'est pas synonyme de déterminisme absolu. L'environnement joue également un rôle important, et surtout, de nombreuses interventions efficaces existent pour améliorer significativement la qualité de vie des personnes concernées.
Si vous êtes confronté au TDAH dans votre famille, n'hésitez pas à :
- Consulter un professionnel de santé spécialisé pour obtenir un diagnostic précis et des conseils personnalisés
- Partager ces informations avec votre entourage pour dissiper les mythes et la stigmatisation
- Explorer nos autres articles sur le diagnostic du TDAH, les traitements disponibles, et la gestion du TDAH à l'âge adulte pour approfondir vos connaissances
Vous avez des questions sur le TDAH héréditaire père ou mère, ou sur d'autres aspects du TDAH comme maladie génétique ? N'hésitez pas à les partager en commentaires !
Références :
[^1]: Faraone SV, Larsson H. (2019). "Genetics of attention deficit hyperactivity disorder." Molecular Psychiatry, 24(4): 562-575.
[^2]: Lichtenstein P, et al. (2010). "The genetics of attention deficit hyperactivity disorder in adults, a review." Molecular Psychiatry, 15(11): 1077-1088.
[^3]: Biederman J, et al. (2021). "Family-Genetic Approaches to Understanding ADHD." Harvard Review of Psychiatry, 29(1): 33-48.
[^4]: Sprich S, et al. (2000). "Adoptive and biological families of children and adolescents with ADHD." Journal of the American Academy of Child & Adolescent Psychiatry, 39(11): 1432-1437.
[^5]: Demontis D, et al. (2019). "Discovery of the first genome-wide significant risk loci for attention deficit/hyperactivity disorder." Nature Genetics, 51(1): 63-75.
[^6]: Gizer IR, et al. (2009). "Candidate gene studies of ADHD: a meta-analytic review." Human Genetics, 126(1): 51-90.
[^7]: Hawi Z, et al. (2017). "The role of genetic factors in ADHD across the lifespan." Current Psychiatry Reports, 19(5): 42.
[^8]: Faraone SV, et al. (2021). "The World Federation of ADHD International Consensus Statement: 208 Evidence-based conclusions about the disorder." Neuroscience & Biobehavioral Reviews, 128: 789-818.
[^9]: Hoogman M, et al. (2019). "Brain Imaging of the Cortex in ADHD: A Coordinated Analysis of Large-Scale Clinical and Population-Based Samples." American Journal of Psychiatry, 176(7): 531-542.
[^10]: Nigg JT, et al. (2018). "Variations in the influence of parenting on oppositional and impulsive-hyperactive behaviors in ADHD as a function of parental history." Journal of Child Psychology and Psychiatry, 59(10): 1021-1030.